Pied à terre
« La terre, nous l’empruntons à nos enfants » dit Saint-Ex en substance
Ce matin, je me lève à six heures. Là n’est pas un exploit me direz-vous. Et vous avez raison.
Les merles dits moqueurs mais surtout chapardeurs de groseilles et autres fruits rouges, sont chez eux, ils sautillent d’aise sur la pelouse. Le jardin leur appartient. D’autres oiseaux que j’identifie difficilement – je distingue mal les couleurs, mais pas seulement —Les hirondelles, elles, battent des ailes mais sans se poser. Je suis l’intrus à sa fenêtre. Je plonge donc dans mon papier et m’envole aussi.
Petit propriétaire d’un pied à terre fertile à tomates et à topinambours, je n’en suis en fait que colocataire éphémère. Les taupes, les fourmis, les abeilles en ont fait leur logis, leur nid, leur paradis bien avant moi. Le reste est illusoire.
La terre n’appartient à personne.
La terre appartient à tout le monde
A la vie qui fourmille
Qui rampe et qui voltige
Aux peuples qui marchent.
L’homme sédentaire en fait son pré-carré
Il l’enclot de haies, de murs
L’enserre de barbelés.
Il y met des frontières des douaniers
Parfois même des miradors
Mais le migrateur, le nomade, le voyageur
Est au-dessus des obstacles des contingences
Même dans la douleur
Il finira toujours par passer.
Il est passe-murailles
Et s’il a envie de se poser
C’est le temps des cerises
Personne ne pourra l’en empêcher.
Fi des épouvantails des pièges des barbelés
De certitudes
Le drôle d’oiseau saura les déjouer.
Il passera au-dessus
Ou entre les mailles du filet
Quel pied de nez !