Invite à vivre
J' ai acheté -d'occasion- une anthologie de poésie francophone
imprimée en Belgique. La belle occasion ! Elle a trente ans d'âge.
La fleur quoi !
Bien sûr elle a le teint un peu jaune, elle semble quelque peu fatiguée
aux coutures, aux entournures.
Et pourtant elle reste belle !
cinq cents poèmes sont à l'honneur.
Le répertoire s'arrête en mille neuf cent quatre-vingt- quatre,
et débute en dix-huit, à la fin de la "boucherie"
Et quels noms ! Apollinaire et sa belle
"bergère o tour Effel le troupeau des ponts bêle ce matin"
entame crânement l'ouvrage
Lui qui croyait tant au progrès au monde nouveau
est mort le neuf novembre avant-veille de l'armistice.
L'éditeur est un certain Duculot
Et c'est vrai qu'il faut un certain culot pour ériger
un tel monument pour les poètes artisans
de paix.
Allez un petit pour se faire plaisir.
Il est de Charlotte Delbo, qui a été déportée à Auschwitz.
"Je vous en prie
faites quelque chose
apprenez un pas
une danse
quelque chose qui justifie
qui vous donne droit
d'être habillé de votre peau de votre poil
apprenez à marcher et à rire
parce que ce serait trop bête
à la fin
que tant soient morts
et que vous viviez
sans rien faire de votre vie."
Et qui dira que la poésie ne sert à rien ?
N'est-ce pas un appel pressant et solennel à vivre
pour honorer nos morts?