Ouvrier
A mon père
Fier jardinier
Essaimer et laisser fleurir la beauté
Oh la belle fin de carrière
Après avoir trimé sa vie durant
Dans les cartons dans les vieux papiers
Avec ses camarades
Il déchiquetait les livres
De Malraux la condition humaine
De Zola la terre l’assommoir la bête
Humaine encore
Pour en faire des emballages
Mais en détournait la nuit
Pour voir briller nos yeux
Dans les verres à pied à vin à bière
Les conserves et même jeune apprenti
Dormant sur le port
Dans l’odeur de la viande fraîche
Les trois huit les deux douze
La vie saucissonnée
La donner à un patron
Comme disait Prévert
Quand le soleil dehors invitait
A la gourmandise à la débauche
Sept jours sur sept
Pendant les belles saisons
Ouvrier sans spécialité manœuvre
Longtemps en mobylette grise bleue
Grise comme l’aube
Après la nuit de labeur
Après la pointeuse
Et puis ouvrier de Dieu
Qui l’écoutait lui parlait
Dans le creux de l’oreille
Et que je n’ai jamais entendu
Jamais peut-on dire sans coup férir
Jamais l’erreur est humaine
Et la foi aussi
Puis-je imaginer que son âme
L’essence de son être est là-bas
Loin des paradis fiscaux et artificiels
Là-haut plus près du ciel
Que de la terre
Qu’il chérissait tant
J’ai repris ce flambeau-là
Et qu’elle repose
Sans contrariété aucune
Apaisée
papa