Eloge de mon père
Il s'est éteint le 28 mars 2013, il y aura deux ans.
J'ai écrit ce texte en 2009.
Au lieu de fréquenter demain un lieu de culte à sa mémoire, j'irai donner à manger aux migrants et leur apporter
fraternellement,humainement une lueur d'espoir.
Il aurait aimé mon engagement et m'aurait approuvé.
Humble,modeste et généreux, il était à l'aise au sein du large cercle des pauvres.
A mon père, humble sacristain
A l’ouvrier modeste et digne
A l’artisan zélé, s’animant dans les coulisses des messes basses et des pompeuses cérémonies
Au manœuvre de Dieu
Je voudrais simplement adresser cet hymne, ce cantique…
A l’homme de services sans voix et sans artifice… charitable
A l’obscur au charbonnier
A mon père
De ma plume douce, avec un filet d’encre pourpre,
de mon verbe chaleureux
Je voudrais saupoudrer dans son sillage de placide passager
Une once d’or, d’encens et de myrrhe
Sans lui plus de feu, un antre glacial
Sans lui, plus d’auberge ouverte
A la pèlerine transie
Au visiteur paisible
A la promeneuse solitaire
A l’homme lent
Dans quel refuge à l’heure de plein soleil se reposer pour s’abreuver de silence,
Pour goûter la fraîcheur de la pierre et reprendre son souffle ?
Dans quel abri, loin des cris et de la fureur, s’asseoir pour méditer ?
Dans quel hôtel-dieu fermer des yeux meurtris et les ouvrir apaisé ?
Sous quelle voûte, sous quelles croisées se baigner dans les vagues de lumière
Dispensées par la mosaïque radieuse du vitrail ?
Sans lui plus d’église, quatre murs clos, une citadelle imprenable, inaccessible,
Une forteresse sans âme, fermée aux pilleurs de reliques et aussi aux pénitents.
Une pincée d’encens, de myrrhe et de baume au modeste adorateur d’un christ
Pourfendeur des marchands du temple et des pharisiens vaniteux.
Le sacristain, mon père, au fond de sa poche rapiécée, possède une grande clé en or, et si vous êtes dans sa manche et dans le secret des dieux, il vous murmurera qu’elle ouvre la grand porte du paradis…
Mais chut… le mystère commence !