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Empreintes du jour
8 mars 2015

Eloge de l'imparfaite

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 A Martine, qui, chaque automne, recueille le soleil entre ses mains

« Envoyé spécial » ce jeudi (avec masque et accoutrement de protection) au cœur du paysage vert et quasi paradisiaque d’un terroir de notre France intemporelle : le Limousin. Ses grands lacs aux bois dormants, ses forêts de hêtres et de charmes à perte de vue, ses prés fleuris de paisibles limousines, ses jolis clochers assoupis. Images d'Epinal, réalités d'épines venineuses...

A quelques enjambées de Pompadour,  Madame…

 

Là un Eden à perte de vue

De vastes et profonds vergers  

Où l’on pourrait cueillir le fruit interdit

En tenue d’Eve ou d’Adam.

Au  cours du mois de mai,

Sous la feuillée, allez  vous promener

Main dans la main

Sous une pluie douce et caressante

De fleurs blanches,

Vous ressentirez un avant-goût de paradis…

Sauf que…

 

Vous n’en sortirez pas indemne.

 

Ces pommeraies, d’apparence si belle,

S’avèrent silencieuses comme la mort.

Un voile immense les recouvre

Et les protège  de la faune volante et voleuse,

Sifflante et bourdonnante.

Parfois on entrevoit un merle mort,

Pris dans les mailles du filet.

 Dessous un alignement parfait de fruitiers

Tels des hommes de peine

Croulant sous le poids de leur charge,

Des pommes rougissantes,

 Si appétissantes

Qu’on en ferait notre quatre heures,

Voire notre festin du jour.

Sauf que…

 

Vous n’en sortirez pas indemne.

 

L’apparence est trompeuse.

Trop belles, trop bien faites

Pour être saines nettes honnêtes.

Cette  quasi perfection

Ne présage rien de bon  

Pour notre santé.

 

Et voilà que tout à coup un engin monstrueux

Pétaradant  rugissant

Pour la énième fois quarantième cinquantième ?

Saupoudre les arbres suffocants

De fongicides, d’insecticides,

D’herbicides alternativement.

Sinon rien braves gens des clopinettes

Un beau nuage blanc poudre de neige se répand

Et déborde sournoisement

Poison volant sur les maisons voisines

Sur  les enfants et sur les grands sans distinction

Sur leur basse-cour leur potager leur verger.

A qui demander réparation pour le mal diffusé

 

A l’ombre du feuillage lustré

Des fruits parfaitement tournés

D’une rondeur à faire pâlir d’envie

Une pleine lune

On imagine aisément la terre agonisante

Ayant avalé des années durant des overdoses

De ce bouillon d’onze heures et plus…

 

Et puis une fois cueillie, la pomme  

Subira non pas une séance de « lifting »

 (En français, opération de chirurgie esthétique par décollement et tension de l’épiderme)

Mais une intervention plus radicale préventive

Un traitement hormonal

Un produit gazeux et offensif

Pour éviter le vieillissement naturel des cellules

Ainsi la pomme gardera  

Selon toutes apparences,

Jusqu’à la prochaine récolte

Sa beauté  son éclat ses couleurs

Et sa… séduction

Sur les étals elle pavoisera dans sa robe immaculée

Sans tâches, pleine de grâce

Auparavant on aura éliminé

Les pas tout à fait rondes, les trop rondes

Les trop petites, les trop maigrichonnes

Les tachetées, les tavelées,

Celles qui ont de l’acné, dite juvénile, etc…

Seules restent en compétition

Sur le marché de dupes les Miss pommes

Pour vous satisfaire pour votre pomme

Messieurs dames…

Et vous n’en sortirez pas indemne.

 

Les pimpantes élues auront perdu

Leurs valeurs nutritives

Et concentré en leur sein,

Pauvres pommes et non moins pauvres hommes,

Des toxiques largement, généreusement

Dispensés au fil des saisons

A qui demander réparation pour le mal diffusé

Qui a payé qui va payer pour le sang contaminé

Et la peau les poumons le cerveau

 

Ils nous préconisent ils osent

À grands renforts de publicité  o mensonge

Pour vivre en bonne santé

De manger cinq fruits et légumes par jour

Mais pas ceux-là grands dieux pas ces cochonneries

Si vous ne les épluchez pas

Sur une profondeur d’au moins un centimètre,

(Mais est-ce encore une pomme ou son trognon)

Vous risquez d’accumuler des points cancer

Problèmes neurologiques graves

Et vous verrez qu’avec le temps,

Sans l’aide d’une sorcière ceci n’est pas un conte

Vous allez vous convertir

En légume

 

Devant moi se trouve une cabarette

(Variété ancienne du nord de la France

Élevée sans artifice au lieu-dit Yserhouck

Du nom de son fleuve malingre

Serpentant parmi les plaines

En maigre partie bocagères de Flandre

Vieille (la pomme) de près de cinq mois

Depuis la cueillette Elle reste ferme 

Fringante odorante juteuse savoureuse

Et saine

Bien sûr elle a pris quelques rides

Sa pelure et sa rondeur laissent à désirer

Jamais vous ne la verrez prôner

Sur l’étal d’un supermarché

Modeste, discrète, elle préfère le voisinage du foin

Elle aime les greniers bien ventilés

Se déguste au mitan de l’effort

Ou au coin du feu jusqu’en avril

Et requinque grandement malgré ses cloques

(imaginez la robe fripée parfois terreuse

Le teint jaunâtre), ses tavelures  ses boursouflures.

 

Alors sans tergiversations

J’élis ma cabarette ou ma reinette

Ma pomme locale sans expédients douteux

J’opte les yeux fermés pour l’imparfaite

Celle qui ne paye pas de mine

Celle qui n’a pas trempée

Dans des manœuvres fourbes

Mais qui s’avère être

Une fois franchi le seuil de la fine bouche

Une  véritable délectation.

Peut-être me direz-vous

« Vous n’en sortirez pas indemne »

Mais ma pomme c’est un petit soleil

Qui s’invite craquant

Dans mon quotidien

 

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