Complainte d’un modeste jardinier
(à la veille d’une salade électorale à hauts risques)
« Jardiner de manière écologique est un acte politique » Pierre Rabhi
J’aimerais tant voir pleuvoir
L’onde bienfaisante colorer la terre
De ses touches tendres
Entendre les cascades de ses perles
Dans les gouttières
Chanter dans les zincs
Couler mouiller tambouriner
Ruisseler pénétrer
Les courbes les rondeurs
Les dénivelés les interstices
Jusqu’à plus soif
Le ciel est chargé d’un lourd chagrin
Qui peine à s’épancher.
J’aime ces petits matins
De silence frileux
Les merles se tiennent en équilibre
Sur les ajoncs d’or
Une bergeronnette sautille dans le foin.
Seul le coq au loin ne sait se taire
Son chant est plus fort que lui.
On dirait que l’homme avide de blé
Et autre mitraille
Exècre la terre
A perte vue à perte de sens
Il la salit aujourd’hui
D’une pellicule indélébile
De plastique
La patience de la nature
Sa lenteur ses humeurs
N’arrangent pas ses affaires
Courantes
Ses petites et pestilentielles affaires.
Nos paysans de pères
Cauchemardent dans leurs tombes.
Le temps est suspendu
Aux débordements des nuages
C’est la première goutte qui compte
Les autres suivront en avalanche
J’ai acquis jardinier
La patience et l’humilité
Devant plus vaste que moi
Minuscule J’attends du ciel
Ce présent ruisselant
En trois lettres majuscules
EAU
Quand d’autres
Tomates de Crimée ou des Andes
Attendent au chaud
Hautes sur tiges derrière la baie
Penchant la tête
Participent à l’attente
Elles frileuses des rayons
Doux du soleil
Interdites elles guettent
Le passage du gris au bleu.
Moi j’attends plaintif jardinier
Une petite mais marquante colère du ciel
Qu’il passe en sourcillant
Du gris au noir
De quoi irriguer les aulx et les fèves
Et ma reine des prés.
Après je chanterai abreuvé
« Vive le printemps ! »
Ps : la campagne étant à cette heure
Réduite au silence
A mi-voix seulement je vous parle
De la pluie et du beau temps…