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Empreintes du jour
28 avril 2016

Symbiose

 

 

symbiose illustration 001

La salle de longue attente a fait le plein de ses patients. Des revues d’un autre temps flottent, sans connaissance, éparses sur la table. Un silence lourd et opaque pèse sur les corps malades, empreint de mystère et de gravité. Soudain, un coup de sonnette bref et strident retentit dans le couloir, déchirant l’espace, faisant tourner les têtes vers la porte et brisant la chape de glace. Un courant d’air parfumé pénètre avec une jeune mère et son enfant. Il sort un livre d’une poche de son blouson. Elle s’assoit légère sur la dernière chaise libre. Il s’installe à ses pieds avec insouciance, en contrebas, sur un petit siège de marmot.

 

Comme une madone de Fra Angélico, elle entoure de son bras l’épaule de l’enfant. Dans ce qui semble être un rituel complice, ils appareillent vers des contrées lointaines, lire est une aventure et tour à tour, avec solennité, ils prennent le gouvernail : le petit à voix haute, dans le doux giron de sa mère, croque à pleines dents, en jets de mots un peu irréguliers. L’appétit est immense, le morceau est savoureux. La jeune dame en amont murmure en écho, en filets doux et fluides comme un ruisseau qui sourd. Parfois les mots et les regards se croisent. Des rires fusent de part et d’autre comme des girandoles et s’enlacent complices. L’air semble léger à présent, la scène est émouvante. La salle entière est peu à peu conquise. Tant de vie s’échappe tout à coup de ce pavé commun, insignifiant, une envoûtante fantaisie déborde de cet objet quelconque de carton-pâte. Près de la fenêtre un tilleul finement vêtu de feuilles dentelées agite ses bras en tous sens. Un oiseau le chatouille. Qui rit le plus fort ? Charmant tableau de tendresse et d’intimité.

 

Là, de l’autre côté de la cloison, les affaires sérieuses s’opèrent délicatement, en termes avares et pointus. Ici, envolés pour un temps, à mille lieues d’un parterre douloureux, une mère et son enfant, sur une autre planète, voyagent par la magie d’un opuscule, de quelques pages odorantes d’algues marines et de sable, et en oublient les maux.

 

Oh parents ! Oh maîtresses d’école ! Adultes empesés et rabat-joie, abordez la lecture comme une fête, jeux d’artifice et feux follets de mots, comme une alchimie jubilatoire, une quête incessante d’humanité. Et demain le verbe et les rires cristallins d’une mère et de l’enfant résonneront encore dans le mâle et sinistre fracas du monde.

 

 

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