Au pays des Roms
Au cœur de la cité
Dans un terrain vague
Voué au bitume
Des arbres centenaires
Des fleurs sauvages
Un cercle de caravanes
Et de tentes
D’un autre âge
D’un nouvel âge
Humain
Recyclées Emmaüs
Des indiens dans la ville
Des Roms
Campaient
A la barbe
Des honnêtes gens
Des gens (de) bien
En plein air
Ils avaient dressé la table
Allumé le feu
La viande brasillait
Des volutes de fumée
Calumets aromatisés
D’herbes et de paix
S’envolaient vers le ciel
Tourmenté
Un festin se préparait
Le soleil nous couvait
De son gros œil capricieux
Sur des musiques du monde
Sans frontières
Se retroussaient les manches
Se trémoussaient les hanches
Le temps d’une danse
Epanouies
Les enfants en espadrilles
Couraient dans les herbes folles
Les femmes étaient belles
Dans leur robe longue
Et leur coiffe diaprées
Les hommes pantalon plissé
Chemise blanche
Pour nous accueillir
S’étaient mis
Sur leur trente et un
Effiloché
Au cocktail dînatoire
Monsieur le Sous- préfet
Etait attendu
On se demandait bien pourquoi
Quarante hères sur une aire
De stationnement
Ne valaient pas le déplacement
D’un dignitaire
D’une république
Qui sans vergogne
Se dénaturait
Un escadron de police
Un jour ou l’autre suffirait
Pour faire place nette
Et sans bavures
Aux promoteurs ventrus
Le bel Arno
Fils indigne de son père
Devenu haut commissaire
A la sécurité
Sociale
A l’immigration
Choisie
Balaierait d’un froncement
De sourcils
La vermine venue de l’Est
« Ils n’en mourront pas »
Parmi les bannis de la terre
Il y eut les juifs
Il y eut les Roms
Il reste les Roms
Toujours
Pour subir les … pogroms
Au pays des droits de l’homme
Bien sûr nous dira-t-on
C’est un peuple de voleurs
Une horde de mendigots
Des barbares en somme
Cessons la déferlante
Pour quelques euros
Qu’ils retournent chez eux
Chez eux ?
Mais que ferais-je
Moi le fils de…
Si comme eux j’étais sans toit
Sans vivres sans racines
Et partout étranger
Irais-je enfant déguenillé
Tendre la main aux carrefours
De l’indifférence
Ou de la haine
Comme le roseau
Me plierai-je à la loi
Du plus fort
Peut-être simplement
Me briserait-on
Comme ces vieux chênes
Dans cette friche
En sursis
Pour votre sécurité
Il faut du chiffre
Du chiffre mon bon monsieur
C’est mathématique
Laissez-nous opérer
Soudain le ciel
Eclata en longs sanglots
Leurs yeux brillaient encore
Comme des perles d’eau
Ce n’est rien, chantaient-ils
Après la pluie
Peut-être un jour
Pour notre peuple
En errance
Le beau temps…
Un petit coin de paradis
Sous le ciel d’Europe
Enfin réconcilié
Mais dites-moi
Dans l’Histoire
Qui sont les barbares ?